Le Matin; 21.11.2004; page 8; Suisse

SANTÉ Maladie génétique étrange et méconnue, le syndrome de Gilles de la Tourette sera au cœur du prochain « Téléthon » suisse à Montreux


Des tics et des TOC à mieux comprendre

LAUSANNE Gestes répétitifs incontrôlés, jurons ou mots obscènes lâchés à haute voix, les « tourettiens » ne sont ni fous ni dangereux. Une association veut surmonter les craintes et les incompréhensions

Mimeric, c'est son nom d'artiste. Eric Vallélian au civil. Ce Genevois de 45 ans est mime, issu de l'école Marceau de Paris. Il est capable de rester une heure et demie sans bouger une paupière quand il joue à la statue pour le plaisir des badauds. Mais, dès que Mimeric relâche son attention ou qu'une contrariété l'habite, c'est le déchaînement de tics et de TOC. Il peut se frapper le visage de façon répétée au point d'avoir perdu l'œil droit. Il peut émettre une série de gros mots et se placer dans le bus face à une passagère, à qui il débitera un chapelet d'obscénités, c'est la coprolalie.

Mimeric est atteint du syndrome de Gilles de la Tourette, du nom donné à cette maladie génétique décrite en 1883 par un neurologue français décédé à Lausanne. Une maladie rare, dite « orpheline », difficile à diagnostiquer, mais qui apparaît dès l'enfance entre 3 et 18 ans. Les garçons y sont plus exposés. « Parmi les malades célèbres, on peut citer Alexandre le Grand, Mozart, Dickens, Kafka, Eric Satie ou Malraux », assure Jean-Paul Gagnère, président de l'association Tourette Romandie, récemment créée à Lausanne.

Son fils, Christian, 20 ans, est atteint du mal depuis six ans. Maladie peut-être précipitée par une angine à streptocoques qui aurait dégénéré et touché les corps gris du cerveau. Grâce aux médicaments, Christian a vu ses crises s'espacer et peut mener une existence normale. « Mais, pour les parents et les proches, ce comportement est lourd à supporter. Les camarades ou enseignants sont déconcertés et parfois choqués. Les réactions peuvent aller de la moquerie à l'exclusion. Or il faut que l'enfant suive sa scolarité et reste intégré dans la société », explique Jean-Paul Gagnère.

« Pénis !» lâche-t-il au policier

L'enfant « Tourette » n'est ni un malade mental ni moins intelligent. Il n'est pas dangereux, même si les gestes ou les cris involontaires peuvent paraître agressifs. Et les malentendus nombreux. Quand un malade lâche le mot « pénis » en croisant un policier, le risque de se voir interpellé est assez sérieux. Raison pour laquelle l'association romande songe à lancer une carte d'identité mentionnant expressément la maladie de son porteur, avec son symbole, une silhouette aux bras levés au ciel. « A Paris, où les policiers ne me connaissent pas comme à Genève, je me suis retrouvé immobilisé avant de pouvoir sortir ma carte, raconte Eric Vallélian . Il y a d'autres moments difficiles, notamment quand on mange un plat de spaghetti et que le voisin se retrouve le visage couvert de sauce tomate. Mais j'ai mon brevet de sauvetage, j'ai été champion de plongeon et j'ai mon permis de conduire. Je suis, il est vrai, un cas assez exceptionnel et comme je refuse de prendre des médicaments qui m'abrutissent ... » Le Genevois rêve d'un passage à la TV française avec Patrick Sabatier. « Ce handicap est une barrière: au lieu de regarder le cœur, les gens contemplent les barreaux !»

Comme le besoin d'éternuer

Parmi les tics simples, le malade va cligner des yeux ou grimacer. Les tics complexes peuvent amener à sauter, à toucher ses interlocuteurs, à faire des pirouettes ou à répéter un son ou une expression qu'on vient d'entendre, c'est l'écholalie. Difficile de croire, pour les non-initiés, que ces gestes ou paroles soient involontaires. « C'est comme le besoin d'éternuer, ces tics doivent être exécutés. »

Les TOC (troubles obsessionnels compulsifs) sont aussi fréquents. Ce sont des rituels comme se laver fréquemment les mains, vérifier constamment si tout est en place, etc. Le trouble d'origine neurologique ou « neurochimique » ne peut être guéri, mais seulement calmé par des médicaments visant à en diminuer les symptômes.

En France, le symptôme toucherait 20 000 personnes. Par extrapolation, la Suisse en recenserait deux mille. La recherche porte sur la transmission d'une génération à l'autre, la localisation du gène responsable et l'étude des groupes d'éléments chimiques dans le cerveau pour lancer des médicaments plus efficaces.

SITE INTERNET www.tourette.ch/romandie


Le « Téléthon » avec Renaud à Montreux

Le prochain « Téléthon » suisse, qui aura lieu du 3 au 5 décembre sur toutes les télévisions régionales romandes, consacrera trente heures de spectacle et d'information non-stop pour récolter des dons en faveur des maladies génétiques. Parmi les vedettes annoncées au Centre de Congrès de Montreux, le chanteur Renaud et sa compagne, Romane Serda, Frank Alamo, Pierre Bachelet et Carole Rich, la « régionale » de l'étape.

    

Sans parler d'une jeune chanteuse précisément atteinte du syndrome de la Tourette: Christine, 24 ans, du Mont-sur-Lausanne. « J'ai même composé une chanson, qui s'appelle « Appris ton nom », et que je chanterai accompagnée avec mon synthétiseur. Ce nom, c'est celui de ma maladie, dont j'ignorais tout il y a un an et demi. On me trouvait un peu agitée et distraite. J'avais des TOC, comme refermer constamment une porte ou répéter toujours la même phrase en privé. Quelques tics légers aussi, comme ronger mon crayon. Mais personne n'avait mis un nom sur la maladie. »

Christine a même réalisé un petit CD et témoignera face aux caméras. Après avoir suivi une formation d'éducatrice de la petite enfance, une activité peu compatible avec son mal, elle suit une école de secrétariat et consacre ses loisirs à chanter seule ou en chœur, notamment avec un groupe vocal baptisé Madrijazz. Sur son téléphone portable, elle a laissé un message chanté a cappella. Sans aucune fausse note.

SITE INTERNET
www.telethon.ch

Textes: Olivier Grivat